« Make healthy hydration the new norm »

Eau et hydratation : Bases physiologiques chez l’adulte

Revue du phénomène physiologique de l'hydratation chez l'adulte, détaillant la répartition de l'eau, l'équilibre hydrique et les recommandations en matière de consommation d'eau.

Introduction

L’eau, qui représente en moyenne 60 % du poids corporel, est le principal constituant du corps humain. Elle est indispensable à la vie. Nous ne pouvons d’ailleurs pas vivre plus de quelques jours sans eau.

Celle-ci a en effet de nombreuses fonctions dans le corps : elle entre dans la fabrication des cellules et des liquides corporels ; et elle joue un rôle de milieu réactionnel, de solvant et de réactif. Elle véhicule également les nutriments et favorise l’élimination des déchets de l’organisme à travers l’urine. Elle est essentielle au contrôle de la température corporelle par le biais de l’évaporation sudorale.

Ce document a pour but d’examiner les données scientifiques actuellement disponibles sur la physiologie de l’hydratation, l’accent étant mis sur les adultes, puisqu’ils sont représentatifs de la majorité de la population.
Il présente en détail la teneur en eau, l’absorption et la répartition dans le corps humain, passe en revue les sources de pertes de liquides et d’apports en eau, et se penche sur la régulation de l’équilibre hydrique du corps. Enfin, il fournit un panorama des principales recommandations en matière de consommation d’eau quotidienne. 

L’eau dans le corps

I. L'eau dans le corps humain : teneur et répartition

L’eau est le principal constituant du corps humain ; elle est répartie dans l’ensemble du corps, dans chaque organe, à l’intérieur des cellules et entre elles. 

I.1. Teneur en eau du corps humain

I.1.1. Masse hydrique totale du corps

L’eau représente en moyenne 60 % du poids corporel chez l’homme adulte, et 50 à 55 % chez la femme (EFSA 2010 ; IOM 2004). Cela signifie que, pour un homme de poids moyen (70 kg), la teneur en eau du corps est d’environ 42 litres.

Cette valeur moyenne varie d’un individu à l’autre, principalement en raison des différences dans la constitution du corps humain : tandis que la teneur en eau dans la masse maigre est constante chez les mammifères, à 73 %, on ne trouve environ que 10 % d’eau dans les tissus adipeux (masse graisseuse) (Peronnet et al. 2012 ; Sawka et al. 2005 ; Wang et al. 1999). Par conséquent, le pourcentage de masse graisseuse conditionne directement la masse hydrique totale du corps. Ceci explique l’influence de l’âge, du sexe et de la condition physique sur la masse hydrique totale du corps : les femmes et les personnes âgées ont une masse hydrique totale inférieure, car elles ont une masse maigre moins importante. A l’inverse, les athlètes ont une masse hydrique totale relativement élevée (IOM 2004 ; Marieb et Hoehn 2007 ; Watson et al. 1980). 

I.1.2. Teneur en eau des différents organes

L’eau est répartie dans l’ensemble du corps et des organes. La teneur en eau des différents organes dépend de leur composition, et varie de 83 % dans le sang à seulement 10 % dans le tissu adipeux (Figure 1). 

Figure 1. Composition en eau des tissus et des organes par poids. Adapté de Pivarnik et Palmer 1994.

I.1.3. Répartition entre les différents compartiments du corps

L’eau est répartie dans le corps entre deux principaux compartiments : intracellulaire et extracellulaire. Le compartiment intracellulaire est le plus important, puisqu’il représente environ les deux tiers de la masse hydrique. Le compartiment extracellulaire, qui représente environ un tiers de la masse hydrique, contient le liquide plasmatique et le liquide interstitiel (Armstrong 2005 ; Marieb et Hoehn 2007) (Figure 2). Le liquide plasmatique et le liquide interstitiel présentent une composition électrolytique similaire, les ions les plus nombreux étant le sodium et le chlorure (IOM 2004 ; Marieb et Hoehn 2007 ; Robertson et Berl 1996).

D’autres compartiments contiennent également de l’eau, comme la lymphe, le liquide du globe oculaire et le liquide céphalo-rachidien, par exemple. Ces compartiments représentent un volume d’eau relativement faible, et sont généralement considérés comme faisant partie du liquide interstitiel (Marieb et Hoehn 2007). 

Figure 2. Répartition de la masse hydrique totale du corps entre les compartiments.

I.2. Absorption de l’eau et répartition dans le corps

Après ingestion, l’eau est absorbée dans le tractus gastro-intestinal. Elle pénètre ensuite dans le système vasculaire, va dans les espaces interstitiels, et est véhiculée jusqu’à chaque cellule (Figure 3). L’eau intracellulaire contient 65 % de l’ensemble de la masse hydrique du corps. 

Figure 3. Parcours de l’eau, de l’ingestion jusqu’aux cellules.

Après avoir quitté l’estomac, l’eau est absorbée principalement dans les premiers segments de l’intestin grêle, du duodénum et du jéjunum. Une petite partie de toute l’absorption d’eau se fait dans l’estomac et dans le côlon (Shaffer et Thomson 1994) : l’intestin grêle absorbe 6,5L/jour, contre 1,3L/jour pour le côlon. Ces quantités correspondent à l’eau ingérée quotidiennement, outre l’eau produite par les sécrétions des glandes salivaires, de l’estomac, du pancréas, du foie et de l’intestin grêle en lui-même (Zhang et al. 1996). Le processus d’absorption est très rapide : une étude publiée récemment montre que l’eau ingérée apparaît dans les plasmocytes et les cellules sanguines seulement 5 minutes après son ingestion (Peronnet et al. 2012).

L’eau passe du lumen intestinal dans le plasma principalement par transport passif, régulé par les gradients osmotiques. Les molécules d’eau sont ensuite transportées à travers la circulation sanguine afin de se répartir dans l’ensemble du corps, dans les liquides interstitiels et dans les cellules.

L’eau se déplace librement dans le compartiment interstitiel et se déplace à travers les membranes cellulaires via des voies spécifiques à l’eau, les aquaporines. Les échanges liquidiens entre les compartiments sont régulés par la pression osmotique et hydrostatique, et l’eau circule au gré des changements d’osmolalité du liquide extracellulaire (Marieb et Hoehn 2007). 

La vitesse à laquelle la réserve en eau du corps se renouvelle dépend de la quantité d’eau ingérée : plus une personne boit, plus l’eau du corps se renouvelle rapidement. Chez un homme qui boit 2L d’eau par jour, une molécule d’eau reste dans le corps en moyenne 10 jours, et 99 % de la réserve en eau du corps est renouvelée en 50 jours (Peronnet et al. 2012).

Le renouvellement de l’eau du corps est entretenu par l’eau ingérée, qui compense les pertes constantes auxquelles celui-ci doit faire face. Cela permet au corps de maintenir son équilibre hydrique. 

Messages à retenir

L’eau représente en moyenne 60 % du poids corporel chez l’homme adulte. Toutefois, ce pourcentage diminue en même temps que la masse maigre.

La plupart des organes et des tissus contiennent plus de 70 % d’eau : le sang et les reins sont constitués d’eau à 83 %, et les muscles, à 76 %. Pourtant, le tissu adipeux n’en contient que 10 %.

La masse hydrique est à deux tiers intracellulaire. Le liquide extracellulaire contient du liquide plasmatique et interstitiel.

L‘eau ingérée est absorbée principalement dans l’intestin grêle. On la retrouve dans le sang seulement 5 minutes après ingestion.

La vitesse à laquelle la réserve en eau du corps se renouvelle dépend de la quantité d’eau ingérée. Chez un homme qui boit 2 l d’eau par jour, une molécule d’eau reste dans le corps en moyenne 10 jours, et 99 % de la réserve en eau du corps est renouvelée dans les 50 jours.

Equilibre hydrique

II. Equilibre hydrique du corps

À des températures ambiantes modérées et à un niveau d’activité modéré, la masse hydrique reste relativement constante. L’équilibre hydrique du corps, qui est défini comme étant la différence nette entre la somme de la consommation d’eau et de la production d’eau endogène, moins la somme des pertes (EFSA 2010), est en effet étroitement contrôlé de façon à réagir face aux variations de consommation et de pertes, et à maintenir l’homéostasie (Grandjean et Campbell 2004).

Les pertes en eau interviennent principalement à travers l’urine, la sueur, les pertes insensibles (peau et poumons) et les selles. La production d’eau métabolique ne compense qu’une petite partie de ces pertes, qui doivent par conséquent être contrebalancées par des apports alimentaires en nourriture et liquides afin d’atteindre l’équilibre hydrique (EFSA 2010).

II.1. Pertes en liquides corporels

Les principales sources de perte d’eau pour le corps sont l’urine et la sueur. Ces pertes varient largement selon la consommation de liquides, le régime alimentaire, l’activité physique et la température. Le corps perd également de l’eau de manière insensible, à travers la peau, les poumons (la respiration) et les selles (EFSA 2010).

II.1.1. Pertes insensibles en eau

Les pertes insensibles en eau, appelées ainsi car elles ne sont généralement pas perçues par le sujet, incluent les pertes en eau dues à l’évaporation cutanée et à la respiration (Sherwood 2010).

La diffusion de l’eau dans l’épiderme est essentielle au fonctionnement normal de la peau, car ce processus physiologique favorise l’hydratation de ses couches superficielles. Il conduit finalement à une certaine évaporation de l’eau à la surface de la peau (Verdier-Sevrain et Bonte 2007). Chez l’adulte, la diffusion insensible à travers la peau représente environ 450 mL/jour. Ce chiffre varie selon la température ambiante, l’humidité, les courants d’air ou la tenue vestimentaire (EFSA 2010).

La perte en eau se fait également via l’évaporation pulmonaire, lors de la respiration. Chez les personnes sédentaires, cette perte représente environ 250 à 300 mL/jour. Elle augmente avec le niveau d’activité physique, ainsi qu’avec l’accroissement du volume ventilatoire : les personnes actives au niveau de la mer présentent des pertes respiratoires d’environ 500 à 600 mL/jour. Cette perte en eau s’intensifie également avec l’altitude, en particulier lorsque la température et l’humidité sont faibles (EFSA 2010 ; Grandjean et al. 2003). Les pertes respiratoires sont à peu près égales à la production d’eau métabolique, quel que soit le niveau d’activité physique (Hoyt 1996) (voir également la partie II.2.1).

II.1.2. Pertes en eau fécales

Les pertes en eau fécales sont relativement faibles chez l’adulte en bonne santé, environ 200 ml/jour dans des conditions normales (EFSA 2010). Cette quantité peut augmenter considérablement en cas de diarrhée, de 5 à 8 fois au-dessus de la normale chez les nourrissons (Fomon 1993). 

II.1.3. Production de sueur

La production de sueur est extrêmement variable : alors qu’elle est faible chez les personnes sédentaires exposées à une température modérée, elle peut atteindre plusieurs litres par jour en cas d’activité physique intense, de température ambiante élevée et/ou de taux d’humidité élevé (EFSA 2010). Le corps adapte la production de sueur de façon à maintenir sa température centrale (Powers et Howley 1997).

La sueur est produite dans le derme par les glandes sudoripares. Elle provient de l’eau interstitielle et est filtrée en profondeur dans le tubule des glandes sudoripares avant d’être réabsorbée en distal (Figure 4). La sueur est généralement composée d’eau à 99%, avec un pH situé entre 5 et 7. Elle contient environ 0,5 % de minéraux (potassium et chlorure de sodium) et 0,5 % de substances organiques (urée, acide lactique) (Montain et al. 2007). 

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La sueur est le principal mécanisme de thermorégulation chez les personnes actives. Au cours de l’activité physique, par exemple, le coefficient d’utilisation métabolique des muscles est d’environ 20 %, avec une libération de 80 % d’énergie sous forme de chaleur (Powers et Howley 1997). L’évaporation sudorale est, dans ce processus, particulièrement efficace : l’évaporation d’1 litre de sueur à 30 °C entraîne une perte de 580 kcal sous forme de chaleur (Wenger 1972).

Toutefois, l’évaporation sudorale est influencée par plusieurs facteurs, y compris la température, l’humidité, les courants d’air, l’intensité de l’ensoleillement et la tenue vestimentaire (EFSA 2010). Plus le taux d’humidité est élevé, moins il y a de sueur qui s’évapore et qui refroidit donc le corps (Powers et Howley 1997). Le fait de porter des vêtements imperméables, c’est-à-dire qui n’autorisent pas l’évaporation sudorale, augmente à la fois les pertes sudorales et empêche le refroidissement du corps (Havenith et al. 2008). À l’inverse, les courants de convection autour du corps favorisent l’évaporation sudorale (Powers et Howley 1997).

La production de sueur au cours de l’activité physique peut différer grandement en fonction de facteurs tels que le sport considéré et l’intensité (entraînement ou compétition), et selon les facteurs personnels et environnementaux. Le taux de sudation varie dans une plage allant d’environ 0,3 à 2,6 L/h (Sawka et al. 2007). Des exemples de taux de sudation chez des hommes pratiquant différents sports sont fournis dans le Tableau 1

Tableau 1. Taux de sudation approximatif chez des hommes pratiquant différents sports. Adapté de Rehrer et Burke 1996.

Les pertes sudorales peuvent donc avoir un impact important sur l’équilibre hydrique, et la consommation d’eau doit être adaptée en fonction des activités et des pertes sudorales qui s’ensuivent (Armstrong 2007).

II.1.4. Pertes en eau urinaires

Quantitativement, les pertes urinaires représentent généralement la perte en eau la plus importante chez les adultes en bonne santé qui ne pratiquent pas d’exercice physique. Le volume d’urine peut toutefois varier considérablement, allant d’environ 500 mL à approximativement plusieurs litres par jour (EFSA 2010). La plupart des autres pertes en eau ne sont pas régulées et surviennent indépendamment de l’état des liquides corporels ; les apports sont également partiellement régulés. À l’inverse, le volume d’urine est étroitement contrôlé et sert de moyen de réguler étroitement l’équilibre hydrique du corps (voir la partie II.3), outre son autre rôle d’excrétion de déchets (solutés).


L’urine est en fait le résultat des deux principales fonctions rénales ; l’excrétion des solutés et la régulation des volumes de liquides corporels. Dans la plupart des cas, ces fonctions peuvent être remplies indépendamment : par exemple, en cas de quantité d’eau importante à éliminer, il n’y aura pas de changements substantiels dans la quantité totale de solutés à excréter. Cela repose sur la capacité des reins à produire une large plage de concentration urinaire, allant de 50 mOsm/L à 1 200 mOsm/L (Brenner et Rector 2008). Cette osmolarité urinaire maximale constitue une limite au-delà de laquelle les deux fonctions rénales ne peuvent plus coexister : elle définit un volume obligatoire minimum strictement nécessaire à l’excrétion de la charge en solutés, quel que soit l’état de l’équilibre hydrique du corps. La plus grande partie de la charge en solutés éliminée par les reins provient des aliments ingérés, soit tels quels (par ex., minéraux), soit suite au métabolisme (par ex., urée). Par exemple, dans un régime alimentaire contenant 650 mOsm, le volume d’urine obligatoire minimum sera de 500 mL, si les reins sont à leur capacité de concentration maximale (EFSA 2010). L’eau éliminée en plus de ce volume obligatoire minimum correspond à l’excès d’eau éliminé pendant la régulation de l’équilibre hydrique. Le tableau ci-dessous (Tableau 2) indique le volume d’urine à excréter en fonction de la charge en solutés et de l’osmolalité urinaire. 

Table 2. Volume d’urine (volU, l) en fonction de la charge en solutés à excréter et de l’osmolalité urinaire. VolU = CS/OsmU.

Par conséquent, la détermination d’une osmolalité urinaire souhaitable est indispensable pour établir le volume d’urine souhaitable, et donc l’apport adéquat. L’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) a été la toute première instance à intégrer ce paramètre pour définir la consommation d’eau adéquate, en partant d’une osmolarité urinaire souhaitable de 500 mOsmol/L. Sur la base d’un régime alimentaire moyen de 1600 mOsmol/jour pour les hommes et de 1000 mOsmol/jour pour les femmes, l’EFSA suggère qu’il faudrait un volume urinaire de 2,0 L/jour pour les hommes et de 1,6 L/jour pour les femmes (EFSA 2010). Ces valeurs sont bien au-dessus du volume d’urine minimum (et par conséquent du volume minimum de consommation de liquides) requis pour l’excrétion des déchets métaboliques. L’hypothèse selon laquelle l’osmolalité urinaire souhaitable pourrait être inférieure à la capacité de concentration des reins est également étayée par les résultats d’observation, qui suggèrent que des volumes d’urine et des consommations de liquides élevés pourraient ralentir le déclin de la fonction rénale associé au vieillissement et protéger des maladies rénales chroniques (Clark et al. 2011 ; Sontrop et al. 2013 ; Strippoli et al. 2011). 

Figure 6. Formation d’urine dans le néphron.

II.2. Apports en eau du corps

Pour compenser la perte en eau quotidienne, des apports en eau sont nécessaires. Le corps produit une petite quantité d’eau du fait de son activité métabolique, mais la plupart des apports en eau proviennent de l’alimentation (nourriture et liquides).

II.2.1. Production d’eau métabolique

L’eau métabolique est produite par oxydation du substrat contenant de l’hydrogène ou des nutriments producteurs d’énergie (IOM 2004). C’est l’oxydation lipidique qui produit le plus d’eau par gramme (Tableau 3).

Table 3. Eau métabolique produite par oxydation des lipides, glucides et protéines. Source : EFSA 2010; IOM 2004.

La production d’eau métabolique est donc proportionnelle à l’apport énergétique. On estime que la production d’eau métabolique représente en moyenne environ 250 à 350 mL/jour chez les personnes sédentaires (EFSA 2010), mais qu’elle peut atteindre 600 ml/jour en cas d’activité physique intense (Pivarnik et Palmer 1994). Toutefois, comme vu à la partie II.1.1, les pertes respiratoires augmentent également avec l’activité physique, et ces deux processus se compensent à peu près mutuellement (Hoyt 1996).

II.2.2. Apports alimentaires

Les apports alimentaires totaux en eau constituent, de loin, la source d’eau la plus importante pour le corps. La production d’eau par le corps étant limitée, les apports alimentaires doivent compenser la plupart des pertes.

L’eau est consommée sous forme d’eau pure, de boissons et d’eau contenue dans les aliments. Mais l’eau pure et les boissons représentent la majorité des apports totaux en liquides, en moyenne 70 à 80 %, tandis que l’eau contenue dans les aliments ne représente que 20 à 30 % (EFSA 2010). 

Cette répartition varie selon le régime alimentaire : plus l’on consomme d’aliments riches en eau (par exemple, fruits, légumes ou soupes), plus les apports en eau contenue dans les aliments sont élevés. Les fruits et légumes sont en effet la catégorie d’aliments qui contient le plus d’eau : de 96 % dans un concombre à 72 % dans un avocat, la plupart contiennent plus de 85 % d’eau. On notera que la plupart des fruits ont à peu près la même teneur en eau (en termes de %) que la plupart des boissons. Les soupes représentent la catégorie qui contient le second plus haut niveau d’eau, avec des valeurs comprises entre 82 et 95 % selon les recettes. Les produits secs comme les céréales pour petit-déjeuner, les biscuits et les chocolats ont souvent une teneur en eau inférieure à 5 % (Food Standard Agency 2002).

Les apports en eau à travers l’eau pure et les boissons varient largement d’un individu à l’autre, comme le montrent les enquêtes sur les habitudes alimentaires. Dans l’enquête NHANES de 2005-2006, l’apport en eau total était plus de trois fois plus élevé dans le 80e percentile (5,4 L/jour) comparé à l’apport dans le 20e percentile (1,6 L/jour) (Sontrop et al. 2013). Une récente enquête réalisée en Chine indique une consommation totale de liquides journalière allant de moins de 100 mL à plus de 7L (Ma et al. 2012). Les habitudes en matière de consommation de liquides semblent également différer d’un pays à l’autre : des enquêtes nationales réalisées en Europe révèlent des apports en liquides journaliers médians allant de 635 à 2490 mL/jour (EFSA 2008). Cependant, ces enquêtes sont difficiles à comparer, et ces fortes variations sont difficiles à interpréter, car on ne sait pas si elles sont imputables à de véritables différences de consommation, ou à des différences dans les méthodologies d’enquête (recueil alimentaire de 2 jours, recueil de 7 jours, rappel de 24h...) et dans la catégorisation des liquides (EFSA 2010). Ces limites des enquêtes de consommation de liquides ont de lourdes conséquences, car les recommandations alimentaires s’appuient souvent sur la consommation observée dans ces enquêtes (voir également la partie III).

Les apports et pertes en eau dépendent de nombreux facteurs, dont certains sont très variables. Les chiffres caractéristiques sont résumés à la Figure 7

Figure 7. Apports et pertes en eau journaliers caractéristiques.

Comme illustré ci-dessus, l’urine est indispensable au corps pour procéder aux ajustements nécessaires suite aux pertes, tandis que les apports alimentaires, et en particulier les apports en liquides, constituent les principales sources d’apports en eau. 

II.3. Régulation et maintien de l’équilibre hydrique du corps

Malgré les pertes en eau continues et les fortes variations dans les apports en eau et en sel, le corps humain a généralement la capacité de maintenir constante sa teneur en eau : on estime que la masse hydrique totale du corps varie de moins de 1 % en 24 heures (Cheuvront et al. 2004). Cela est primordial pour le maintien d’une composition constante du liquide extracellulaire, nécessaire au bon fonctionnement des cellules. La masse hydrique du corps est contrôlée, d’une part, par la consommation de liquides, stimulée par la soif, et d’autre part, par l’excrétion rénale de l’eau (Brenner et Rector 2008). 

II.3.1. Régulation de la consommation de liquides : soif physiologique, facteurs sociaux et environnementaux

D’un point de vue physiologique, la consommation de liquides est régulée par la soif, qui est définie comme le désir conscient de boire (Guyton et Hall 2006). Mais la consommation de liquides peut également intervenir, par exemple, dans le cadre des habitudes, de l’influence sociale, d’une sécheresse buccale ou de l’accompagnement des aliments au cours des repas (McKinley et al. 2004 ; McKinley et Johnson 2004). Par conséquent, la consommation volontaire de liquides a une composante comportementale substantielle qui interagit avec les mécanismes physiologiques.

Le principal stimulus de la soif est une augmentation de l’osmolalité plasmatique. Cette hausse est détectée par des récepteurs osmotiques qui déclenchent des mécanismes neuronaux entraînant une sensation de soif (McKinley et Johnson 2004). Cependant, la sécrétion de l’hormone antidiurétique (ADH) en réponse à l’augmentation de l’osmolalité plasmatique intervient à un seuil inférieur à celui de la soif, autour de 280 mOsm/kg contre 290 à 295 mOsm/kg respectivement (Bouby et Fernandes 2003 ; Peters et al. 2007 ; Verbalis 2003). Il convient de noter que la sensibilité et le seuil du système osmorégulateur, et de la soif en particulier, varient considérablement d’un individu à l’autre (Bouby et Fernandes 2003).

D’autres facteurs peuvent également induire la soif : une baisse du volume sanguin (>10 %) ou de la tension artérielle, une augmentation de l’angiotensine circulante, ou encore une sécheresse buccale. À l’inverse, la distension gastrique réduit la soif (Guyton et Hall 2006 ; Tanner 2009).

La consommation de liquides intervient également souvent en l’absence de sensation de soif et d’augmentation de l’osmolalité plasmatique (McKiernan et al. 2009 ; Phillips et al. 1984). Le fait de boire est en effet souvent associé au fait de manger : certaines études montrent qu’environ 70 % de la consommation de liquides se fait de manière périprandiale (de Castro 1988 ; Engell 1988 ; Phillips et al. 1984). La consommation de liquides est également influencée par sa disponibilité directe (Engell et al. 1996), et peut être socialement facilitée ou inhibée par la présence d’autres individus (de Castro et de Castro 1989 ; Engell et al. 1996 ; Peneau et al. 2009).

La consommation de liquides n’est donc pas motivée uniquement par des mécanismes physiologiques, et la régulation finale de l’équilibre hydrique du corps repose sur la régulation de l’excrétion d’eau par les reins. 

II.3.2. Régulation de l’excrétion d’eau par les reins

Comme vu précédemment (partie II.1.4), les reins ont la capacité à adapter largement la quantité d’eau excrétée, tout en maintenant une excrétion de solutés stable. Selon l’état d’hydratation du corps et la consommation de liquides, les déchets métaboliques sont donc excrétés dans une urine plus ou moins concentrée.

L’excrétion d’eau par les reins est en effet régulée de façon à maintenir une composition et une concentration constantes des liquides extracellulaires et, en particulier, une osmolarité plasmatique constante. Cela est rendu possible grâce à un système de feedback basé sur l’hormone antidiurétique (ADH) ou la vasopressine.

En cas de déficit en eau, l’osmolalité des liquides extracellulaires, en particulier du plasma, augmente au- delà de sa valeur normale (environ 280 mOsmol/kg d’H2O). Cette hausse, qui dans la pratique implique une augmentation de la concentration de sodium plasmatique, est détectée par les récepteurs osmotiques, qui stimulent la libération d’ADH. L’ADH est synthétisée dans l’hypothalamus et stockée dans le lobe postérieur de l’hypophyse. Une fois l’ADH libérée, elle est transportée par le sang jusqu’aux reins, où elle augmente la perméabilité à l’eau des tubules distaux et des tubes collecteurs. Cette perméabilité accrue à l’eau entraîne une réabsorption plus importante de l’eau et l’excrétion d’un faible volume d’urine concentrée. L’eau est donc conservée dans le corps, tandis que le sodium et les autres solutés continuent à être excrétés. Cela entraîne la dilution des liquides extracellulaires et corrige ainsi l’osmolalité plasmatique (Figure 8) (Guyton et Hall 2006). 

Figure 8. Mécanismes régulateurs se déclenchant en réponse à un déficit en eau.

À l’inverse, en cas d’excès d’eau dans le corps, la sécrétion d’ADH est diminuée, la perméabilité à l’eau dans les néphrons est accrue, ce qui entraîne une réabsorption moins importante de l’eau et une plus grande quantité d’urine diluée excrétée (Guyton et Hall 2006).

À noter que la libération d’ADH est également stimulée par une baisse de la tension artérielle et du volume sanguin, ce qui se produit en cas d’hémorragie par exemple. Toutefois, l’ADH est beaucoup plus sensible aux faibles changements d’osmolalité qu’aux variations du volume sanguin : une réduction de 1 % de l’osmolalité plasmatique stimule la sécrétion d’ADH, tandis qu’une baisse de 10 % du volume sanguin est nécessaire pour entraîner une nette augmentation des taux d’ADH (Guyton et Hall 2006).

Le maintien de l’équilibre hydrique du corps dépend donc de différents processus physiologiques : la régulation rénale, la soif et les habitudes en matière de consommation de liquides, mais aussi la transpiration. L’importance relative de ces processus physiologiques et leurs interactions dépendent des activités prédominantes, comme illustré dans le Tableau 4 ci-dessous (Armstrong 2007). 

Tabeau 4. Rôles relatifs des processus physiologiques dans l’équilibre hydrique du corps, pour différents scénarios de vie. Adapté de Armstrong 2007.

II.3.3. Altérations de l’équilibre hydrique du corps : déshydratation et hyponatrémie

Bien qu’il soit étroitement régulé, l’équilibre hydrique du corps peut rencontrer des difficultés conduisant à un état temporaire d’hypohydratation ou d’hyperhydratation.

La déshydratation est le processus par lequel on perd de la masse hydrique, tandis que l’hypohydratation fait référence à un état équilibré de déficit d’eau dans le corps, et est donc le résultat de la déshydratation (EFSA 2010). Selon la perte relative en eau et en solutés des liquides extracellulaires, la déshydratation peut être hypertonique (la perte en eau a pour effet de concentrer l’eau extracellulaire), hypotonique (la perte en sodium a pour effet de diluer l’eau extracellulaire) ou isotonique (pertes en eau et en sodium sans changement de concentration). Les causes possibles de ces différents types de déshydratation sont résumées dans le Tableau 5

Tableau 5. Causes possibles des trois types de déshydratation. Adapté de EFSA 2010; Grandjean et al. 2003; IOM 2004.

À l'inverse, une consommation excessive d’eau sur une courte durée peut entraîner une hyperhydratation et une hyponatrémie, qui se caractérise par des taux de sodium sérique inférieurs à 135 mmol/L. Cette pathologie a été observée chez des malades mentaux atteints de polydipsie, mais aussi chez des athlètes pendant ou après un exercice intense et prolongé (par ex., ultra-marathon, entraînement militaire). Bien que potentiellement grave, l’hyponatrémie symptomatique est rare, et est associée à une consommation de liquides qui dépasse largement les pertes en eau, ainsi qu’à un rythme de course lent et à une durée d’exercice prolongée (Hew et al. 2003). Toutefois, chez les sujets sains ayant des habitudes alimentaires normales, il est établi que l’hyponatrémie est très difficile à atteindre (EFSA 2010 ; IOM 2004). Cela impliquerait en effet dans ce cas un dépassement du débit d’excrétion maximal des reins, à savoir 0,7 à 1,0 L/heure (EFSA 2010).

Le diagnostic et le traitement adéquat de l’hyponatrémie sont compliqués par le fait que les symptômes sont étroitement liés à ceux de la déshydratation, y compris maux de tête, fatigue, confusion mentale, nausées, vomissements et crampes. (EFSA 2010 ; Grandjean et al. 2003 ; IOM 2004). 

Messages à retenir

L’équilibre hydrique du corps est étroitement régulé, afin de garantir l’homéostasie du corps et de faire face aux variations en termes de consommation et de pertes.

Les principales sources de pertes d’eau du corps sont l’urine et la sueur, mais il y a également perte en eau par les selles et, de manière insensible, à travers la peau et la respiration.

L’ajustement du volume d’urine est indispensable pour que le corps puisse réguler son équilibre hydrique.

Les reins sont capables de concentrer ou diluer l’urine avec une grande amplitude, de 50 mOsmol/l à 1200 mOsmol/L. La concentration urinaire dans cette plage dépend des déchets métaboliques à excréter et de la quantité d’eau à excréter pour réguler la masse hydrique.

Des études d’observation suggèrent que des volumes d’urine élevés et, par conséquent, des consommations importantes de liquides, pourraient ralentir le déclin de la fonction rénale qui survient avec l’âge, et protéger des maladies rénales chroniques.

Les apports en liquides alimentaires doivent compenser la plupart des pertes de masse hydrique. La consommation d’eau et de boissons représente 70 à 80 % de la consommation totale de liquides, contre 20 à 30 % pour l’eau provenant des aliments.

La masse hydrique du corps est contrôlée, d’une part, par la consommation de liquides, qui est stimulée par la soif, et d’autre part, par l’excrétion rénale de l’eau.

Recommandations

III. Recommandations relatives à la consommation d’eau quotidienne

Comme vu à la section II ci-dessus, le corps humain est capable de s’adapter à une large amplitude de consommation et de pertes de liquides, grâce à une régulation homéostatique précise et aux larges plages d’osmolalité urinaire que les reins peuvent atteindre. Mais, contrairement à d’autres nutriments, trop peu d’études sont menées à l’heure actuelle sur la quantité d’eau requise pour prévenir les maladies ou être en meilleure santé. De ce fait, aucun seuil de consommation, qu’il soit supérieur ou inférieur, n’a été clairement associé à un bénéfice ou à un risque en particulier.

Ceci peut expliquer pourquoi la plupart des recommandations concernant la consommation totale d’eau sont aujourd’hui basées sur les apports médians de la population. C’est le cas aux États-Unis et au Canada, par exemple, où l’apport adéquat est basé sur la médiane de la consommation d’eau observée dans les données de la troisième enquête américaine sur la santé et la nutrition NHANES III (Third National Health and Nutrition Examination Survey) (IOM 2004). L’Australie et la Nouvelle-Zélande suivent cette même méthodologie (NHMRC 2006).

Des directives officielles récentes concernant les apports totaux en eau (eau + boissons + eau contenue dans les aliments) ont été publiées par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) en 2010. Ces directives sont les premières à utiliser à la fois les consommations observées et les paramètres physiologiques pour déterminer l’apport adéquat. Une osmolarité urinaire souhaitable de 500 mOsmol/L est proposée et, sur la base de cette valeur et de la charge osmotique d’un régime alimentaire européen standard, un volume urinaire et une consommation totale de liquides associée sont calculés (EFSA 2010). Ces recommandations ne tiennent pas compte des pertes de liquide supplémentaires dues à l’activité physique, qui engendre une importante variation dans la consommation d’eau adéquate.

Le Tableau 6 résume les recommandations des quatre autorités internationales en matière de consommation d’eau. 

Table 6. Valeurs de référence pour la consommation totale d’eau (nourriture + liquides), L/jour.

Ces recommandations de consommation totale d’eau incluent l’eau provenant des aliments et celle provenant des boissons de toutes sortes, y compris l’eau. Chez les adultes, on considère généralement que la contribution des aliments aux apports totaux en eau représente 20 à 30 % (EFSA 2010).

Il est intéressant de noter qu’aucune limite supérieure de sécurité n’a été définie, en raison de la capacité des reins des sujets sains à excréter l’excès d’eau, jusqu’à 0,7 à 1,0 litre d’urine par heure chez l’adulte (EFSA 2010). 

Messages à retenir

A ce jour, aucune limite de consommation d’eau, qu’elle soit supérieure ou inférieure, n’a été clairement associée à un bénéfice ou à un risque en particulier, et la plupart des directives concernant la consommation totale d’eau sont basées sur la consommation médiane de la population.

L’Autorité européenne de sécurité des aliments a été la première à introduire un paramètre physiologique afin de déterminer un apport adéquat, et à proposer une osmolarité urinaire souhaitable de 500 mOsmol/L.

Les recommandations internationales de consommation totale d’eau (nourriture + liquides) pour les hommes varient considérablement, de 2,5 L/jour en Europe à 3,7 L/jour aux États-Unis et au Canada.

Conclusion

L’eau, principal constituant du corps humain, est répartie dans tous les tissus. La régulation de l’équilibre hydrique du corps est donc indispensable au maintien de l’homéostasie. Bien qu’il subisse des pertes constantes, le corps humain régule efficacement son équilibre hydrique, grâce à un contrôle précis du volume et de la concentration de l’urine.

Ceci explique la large amplitude des apports en liquides observés chez des sujets sains. Toutefois, peu d’études ont été effectuées sur les conséquences à long terme pour la santé d’une consommation de liquides faible ou élevée. Les données préliminaires semblent indiquer qu’une faible consommation de liquides chronique peut avoir un impact sur la santé rénale, car elle peut être associée à un déclin plus rapide de la fonction rénale et à un risque accru de maladie rénale chronique.

Par conséquent, des recherches supplémentaires s’imposent pour évaluer la consommation quotidienne optimale de liquides afin de prévenir les maladies ou d’être en meilleure santé, et pour émettre des directives précises concernant la consommation d’eau chez l’adulte, mais aussi pour d’autres groupes démographiques, tels que les enfants, les femmes enceintes et qui allaitent, les personnes âgées et les résidents des climats chauds. 

Réferences